Intelligence Émotionnelle

On a tous déjà essayé. Changer le comportement de quelqu'un qui nous énerve royalement. Le linge qui traîne, la cuvette des WC relevée, ou pire, la voiture mal garée avec une vitesse enclenchée 😡... On se heurte à un mur. Et en parallèle, on mène un autre combat, plus silencieux : celui avec nos propres émotions.

"Bonjour, ça va ?" "Ça va, et toi ?" "Ça va."

Qui n'a jamais répondu "ça va" en étant au bord de la crise ? Moi, très souvent ! On le fait par politesse, pour ne pas déranger, pour ne pas être le rabat-joie de service.

Et si ces deux luttes – l'une contre nos émotions, l'autre contre le comportement des autres – étaient liées ? Et s'il fallait d'abord faire la paix avec notre monde intérieur pour avoir un impact positif sur le monde extérieur ?

Partie 1 : Le point de départ - Sortir de l'"analphabétisme émotionnel"

Nous vivons une époque paradoxale. On accumule les diplômes et les compétences techniques, mais la gestion des émotions est considérée comme innée. C'est faux. C'est une compétence qui se travaille, et beaucoup d'entre nous sont de vrais "analphabètes" en la matière.

Au travail, c'est un carnage : des managers désarmés face aux craquages de leurs équipes, ou qui piquent eux-mêmes une crise dès qu'ils sont contrariés. Dans la vie perso, cela crée des ruptures douloureuses.

Les symptômes de cet analphabétisme émotionnel sont clairs :

• Difficulté à identifier et gérer ses propres émotions.
• Manque d'empathie et réactions démesurées face aux problèmes.
• Besoin obsessionnel d'avoir raison et intolérance à la critique.
• Tendance à réprimer ses émotions jusqu'à l'explosion.

Ce n'est pas de notre faute. On apprend à cacher nos émotions dès l'enfance, à coller un sourire sur notre visage face à un patron injuste ou une tante un peu trop intrusive. Mais à force de tout refouler, on prépare une bombe à retardement.

La méthode pour développer son intelligence émotionnelle

Bonne nouvelle : ça se travaille ! Inutile de se lancer dans la méditation si, comme moi, votre cerveau part dans tous les sens. Voici une approche en 4 étapes concrètes.

Étape 1 : Identifier ses émotions (les 4 fantastiques)

Oubliez la liste sans fin des émotions. Les psychologues s'accordent sur 4 émotions de base. Les autres en sont des dérivés. L'idée n'est pas de les juger "positives" ou "négatives", mais de comprendre leur message.

• La Joie : Elle nous donne de l'énergie et nous pousse à célébrer. C'est notre récompense.
• La Tristesse : Elle nous aide à nous recentrer, à faire le deuil d'une situation et à identifier nos vrais besoins. C'est notre boussole intérieure.
• La Colère : Elle signale qu'une de nos valeurs ou limites a été bafouée. C'est notre système d'alarme pour déclencher un changement.
• La Peur : Elle nous protège d'un danger, réel ou perçu. C'est notre garde du corps.

Étape 2 : Accepter ses émotions

Une fois identifiées, il faut les accepter. Une émotion n'est ni bonne ni mauvaise. C'est un simple indicateur, un message que notre subconscient nous envoie pour nous aider à naviguer dans le monde. La refuser, c'est comme ignorer le voyant d'huile de sa voiture.

Étape 3 : Vivre ses émotions

Laissez l'émotion vous traverser sans la juger. Si vous êtes triste, autorisez-vous à l'être. Si vous êtes en colère, reconnaissez cette énergie en vous. C'est une étape nécessaire avant de pouvoir passer à l'action de manière constructive.

Étape 4 : Exprimer ses émotions

C'est l'étape la plus difficile. Au début, il est probable que votre colère sorte sous forme de cris. C'est normal. Avec le temps, l'objectif est d'apprendre à dire : "Quand telle chose se produit (les faits), je ressens de la colère (l'émotion), car j'ai besoin de respect (le besoin)". C'est tout le principe de la Communication Non Violente (CNV).

Partie 2 : La mise en pratique - Influencer le comportement des autres

Une fois qu'on commence à se comprendre soi-même, on développe de l'empathie. On est mieux équipé pour comprendre les autres. Mais comment faire pour changer leur comportement agaçant ?

J'ai dû me rendre à l'évidence : je n'ai pas le pouvoir de changer les gens !

Alors, que faire ? Tout laisser tomber ? Finir seule ? J'ai donc foncé à la bibliothèque... je rigole, je suis allée sur Google ! Et j'ai trouvé une pépite : l'équation de Lewin.

L'équation de Lewin : La clé pour changer les autres sans les changer

Kurt Lewin, un psychologue, a posé une équation géniale de simplicité : 

B=f(P,E) 

Où :

• B est le Comportement (Behavior)
• P est la Personnalité (Personality)
• E est l'Environnement (Environment)

Le comportement d'une personne est donc une fonction de sa personnalité ET de son environnement. Puisque je ne peux (et ne veux) pas changer la personnalité des gens, il me reste un levier d'action incroyable : changer l'ENVIRONNEMENT !

C'est incontestable : une même personne se comporte différemment selon le contexte. Vos amis ne s'affalent pas sur votre canapé comme ils le font chez eux. Ils s'adaptent à l'environnement.

Cas pratique : L'expérience du collègue ronchon

Pour tester, direction le bureau. Un de mes collègues arrivait tous les matins en colère, pestant et répondant à peine. J'ai observé : il oubliait systématiquement sa tasse, devait faire la queue pour un café médiocre dans un gobelet en plastique fragile, et finissait souvent par s'en renverser dessus.

Son environnement de début de journée était une source de frustration.

L'action : J'ai proposé aux autres de se cotiser pour une vraie machine à café dans l'open-space. La cagnotte a été bouclée le soir même.

Le résultat : Le collègue a commencé à utiliser la nouvelle machine. Je ne dis pas qu'il est devenu l'employé le plus joyeux du monde (son environnement est vaste : la météo, sa vie perso...), mais il était visiblement moins ronchon le matin. J'avais changé son comportement en modifiant un simple élément de son environnement.

Conclusion : De la connaissance de soi à l'influence positive

Vous ne pouvez pas forcer quelqu'un à changer. Mais vous pouvez créer les conditions qui favorisent un changement de comportement. L'équation de Lewin est un outil puissant, mais elle n'est efficace que si elle est guidée par l'empathie.

Le véritable chemin est le suivant :

1. Développez votre propre intelligence émotionnelle pour comprendre ce qui se passe en vous.
2. Utilisez cette compétence pour observer et comprendre avec empathie ce que les autres vivent.
3. Agissez sur l'environnement de manière créative et bienveillante pour faciliter la vie de tous.

Au final, le meilleur moyen d'influencer positivement le monde qui nous entoure est de commencer par le travail le plus important et le plus difficile : celui sur soi-même.